La Lombardie hors des sentiers battus. Cécile Gottry, bénévole au Touring Club, nous propose d’autres chemins pour découvrir la Lombardie.
Aujourd’hui Tours et Détours dans la Valteline.
Un peu de géographie
« Sondrio est le chef-lieu de province le plus enclavé d’Italie ! » faisait remarquer début mai à la télévision le maire de cette petite ville (20000 habitants) pour expliquer que cette province fût, des 12 provinces lombardes, la moins touchée par l’épidémie en cours.
En effet, frontalière du vaste canton helvétique des Grisons, reculée au nord/nord-est du Lac de Côme, la Valtellina se mérite ! Venant de Milan, on la rejoint en deux heures de train régional, où elle a Colico comme point d’entrée. Après avoir longé la rive du Lario à partir de Lecco, on profite – entre les galeries ! – des vues saisissantes à la fois sur le lac et sur le massif des Grignes, haut lieu de la mémoire de la lutte partisane contre les nazifascisti de 1943 à 1945.
Creusée par la rivière Adda, la Valtellina, à son autre extrémité, débute à Bormio sous le nom d’Alta Valtellina, descend selon un axe nord-sud, « plie » à Tirano où elle continue selon un axe est-ouest vers Colico en tant que Bassa Valtellina et est complétée par plusieurs vallées latérales, comme la Val Malenco au nord de Sondrio, ou la Valchiavenna au nord de Colico.
La Valchiavenna aux multiples charmes
La Valchiavenna que, dans un assez pur esprit de clocher, les locaux tiennent à différencier de la Valtellina, est connue pour sa spécialité, les pizzochieri. C’est un savoureux, et riche, plat de courtes tagliatelles locales à la farine de sarrasin, enrichi de blettes (ou chou vert ou épinards), pommes de terres et fromage, le tout nappé de beurre fondu parfumé à la sauge. Mention spéciale pour les goûteux vins rouges AOC de la Valtellina, issus de raisins grandis sur les versants ensoleillés plantés en terrasses. D’une variété de Nebbiolo, on produit par exemple le Sfursat di Valtellina et le Valtellina superiore.
Vins du cru et fromages comme le bitto, fromage d’alpage, sont conservés dans des crotti. Tel est le nom de cavités apparues suite à des phénomènes géologiques, bénéficiant en permanence d’un courant d’air à 8° C, soit tiède en hiver et frais en été. A immédiate proximité des crotti furent souvent accolées de rustiques constructions, avec petite salle et cheminée. Celles-ci forment aujourd’hui quelques-unes parmi les plus agréables osterias de Chiavenna. Lors de la Sagra (fête) de septembre, les quelque 80 crotti du pays de Chiavenna vous accueillent pour des dégustations.
Chiavenna, bourg au coeur de la Valchiavenna, est bien agréable à parcourir avec ses rues piétonnes où, dans une vie pré-Covid, on lézardait avec plaisir à la terrasse des cafés. Des siècles durant placée sur un axe commercial stratégique de l’arc alpin, la bourgade affiche son riche passé sur les façades des palais parant ses rues : citons le Castello Balbini e Paradiso du 15ème s. ou tout près à Piuro, la villa de villégiature qu’est le splendide Palazzo Vertemate-Franchi (16ème s.), qui mérite la visite (se renseigner). Le patrimoine religieux n’est pas en reste, avec la Collégiale San Lorenzo, 12è-18èmes s. qui abrite un riche Museo del Tesoro d’art religieux.
Collegiata di San Lorenzo à Chiavenna
De plus, le Touring Club Italiano a conféré à Chiavenna la Bandiera Arancione, son label récompensant la qualité de l’offre et de l’information touristique.
Palazzo Vertemate-Franchi à Piuro (Chiavenna)
Paradis des marcheurs, la Valchiavenna, à la signalétique précise, permet de découvrir les Marmitte dei Giganti (sic), de profondes dépressions rocheuses au milieu des bois, ou encore des hameaux abandonnés haut perchés, où certaines maisons sont restaurées été après été : Savogno et Dasile, au-dessus de Chiavenna, en sont deux exemples, joignables à pied seulement.
Granges à Savogno
Actuellement, les sentiers de randonnées peuvent être interdits ; en effet, après le 4 mai et l’autorisation gouvernementale d’aller faire du sport loin du domicile, des élus locaux ont ainsi voulu protéger leur territoire de l’arrivée d’éventuels bataillons de sportifs « allogènes ». De plus, les sentiers n’ont pas été entretenus ces derniers mois et il est donc plus risqué de les emprunter…
En Bassa Valtellina, à proximité de Morbegno, le voyageur peut se rendre dans les Val di Mello et Val Masino, plébiscités pour leurs parois de granit par les passionnés de « sassismo » (< « sasso », la pierre), ce type d’escalade à mains nues, né en forêt de Fontainebleau, et connu en France sous le terme d’« escalade de bloc ».
Media Valtellina
La Valtellina s’étire ensuite vers Tirano, là où apparaissent les premiers vergers de pommiers s’étendant à perte de vue. En effet, c’est ici qu’on produit 330 000 quintaux de pommes (2019), soit près de 20% de la production nationale, le Val di Non, dans le voisin Trentin Haut Adige fournissant, lui, la moitié des pommes consommées en Italie !
Depuis la gare de l’agréable petite ville de Tirano, vous pourrez – quand le confine di stato sera rouvert à tous – monter dans le Trenino rosso della Bernina avec ses compartiments panoramiques. Le mythique petit train rouge, patrimoine Unesco, vous fera franchir, au col de la Bernina (2323 m), la ligne de partage des eaux entre la Mer Noire et la Méditerranée, rien de moins! Un petit panneau l’indique dans un sentier passant en hiver entre deux murs de neige glacée. Votre parcours vous conduira jusqu’à St-Moritz, station de ski suisse réputée mais sans âme, où l’amateur de peinture pourra visiter le Museo Segantini, dédié au fondateur du divisionnisme, variante italienne du pointillisme.
Mais repartons en Alta Valtellina !
Bormio
Ce petit village est une station thermale, aux eaux bienfaisantes connues dès l’âge romain et surgissant à 38-44°C : au choix, on pourra opter pour les thermes municipaux ou bien de luxueux complexes hôteliers. Mais ce paesino est aussi situé au cœur d’un paradis blanc, comme l’attestent le nombre de manches de Coupe du Monde de ski alpin disputées à Bormio sur les pistes d’un domaine se dévalant entre 3012 m et 1225 m. Evidemment, les mondanités de l’après-ski des stations chic ne sont pas en reste ! Pour mémoire, lors des week-ends de fin février et de début mars, les stations des Alpes et Dolomites italiennes, et leurs boîtes de nuit, ne désemplirent pas, le grand air chassant supposément le satané virus ; las ! le couperet gouvernemental tomba le samedi 7 mars au soir : impianti sciistici chiusi !
Par ailleurs, Bormio accueille aussi régulièrement les champions cyclistes du Giro. Outre ces hôtes humains variés, la faune sauvage elle aussi est bien présente. Ainsi, profitant de quelques semaines de répit dans des lieux désertés par les humains, un ours s’est invité à 1900 m d’altitude dans un camping proche de Bormio pas plus tard que mercredi 13 mai. On dénombre actuellement une cinquantaine d’ours bruns évoluant entre la Valteline et le Trentin.
En guise de conclusion…
On pourrait aussi vous évoquer le Parc des incisions rupestres à Grosio, près de Tirano, datant du Néolithique (- 6000 avant notre ère), ou le Col de la Spluga (2130 m), premier passage alpin tracé par les Romains en l’An 1, si renommé qu’il attira la visite de Léonard de Vinci, Goethe, Bakounine, Conan Doyle, Einstein…
Bref, la Valtellina coche toutes les cases : nature, faune, patrimoine bâti, gastronomie et pratique sportive ! Bonne visite !
Carte et photos Savogno, collégiale reproduites avec l’aimable autorisation de Massimo Dei Cas (www.paesidivaltellina.it) et photos Pont roman et Palazzo Vertemate-Franchi avec celle du Consorzio turistico Valchiavenna, www.valchiavenna.it
Cécile Gottry